Discrètement, nous avons fêté Saint Yves Heloury de Kermartin... Les soeurs de L'Eau Vive nous ont aidé par leur savoir-faire et leur chants pour cette fête où tous les receteurs des églises françaises de Rome étaient présents. Des servants d'autel et servantes de l'assemblée de la paroisse de Sartrouville étaient aussi des nôtres, rappelant que Saint Yves est aussi le patron secondaire du diocèse de Versailles.
Le Chanoine Michel Cacaud, Conseiller ecclésiastique de l'Ambassade de France près le Saint-Siège a présidé cette année la célébration de la Saint Yves, avec la présence de Monsieur Zeller, ambassadeur et de son épouse. C'est le Rv P. Joseph-Thomas Pini, op et jusriste qui nous a donné l'homélie que nous reproduisons ci-dessous:
Lc 12, 32-34
19 mai 2018 – Mémoire de saint Yves
Saint Yves des Bretons, Rome
Nann, n’eus ket e Breiz, nann, n’eus ket unan / Nann, n’eus ket ur zant evel zant Erwan : pas un saint en Bretagne, pas un comme saint Yves ! Le cantique traditionnel en l’honneur d’Yves Hélory de Kermartin montrerait-il un peu d’exagération dans la ferveur, là où les pays bretons n’ont pas manqué d’hommes et de femmes de valeur, y compris dans lasainteté ? Et pourtant, de la piété populaire et de la mémoire des fidèles aux nombreux témoignages de pierre, de bois, de verre des églises et chemins, celui que la Bretagne honorecomme son patron, avec sainte Anne, a d’évidence profondément marqué, au point d’êtrecanonisé le 19 mai 1347, quarante-quatre ans exactement après son départ de cette vie, maisaussi d’être reconnu bien au-delà, par les professions de justice et les gens de mer, qui revendiquent sa céleste et fraternelle protection.
Erwan fait assurément partie de ces saints au souvenir si vivace, par ses œuvresadmirables de charité qui illustrent admirablement le mystère de la sainteté en Dieu. Une vie somme toute simple : celle d’un jeune Breton de bonne famille, né en 1253 à Minihy,envoyé la théologie puis le droit, à Paris et à Orléans, et y réussissant de sérieuse et bonne manière ; celle d’un conseiller juridique du diocèse de Rennes, puis d’official de son diocèsenatal de Tréguier ; celle d’un curé dans son pays, prêchant en breton, arpentant sa paroisse et se dépensant pour son peuple. Mais dans cette vie belle, et de prime abord ordinaire, àpropos de laquelle les témoignages ne sont venus qu’à l’occasion du procès de canonisationdès 1330, les traits frappants et décisifs sont avant tout celui du don de soi et celui de la charité envers les petits : dès sa jeunesse et durant toutes ses activités et son ministère, cen’est pas tant l’habileté ou la science qui frappent chez maître Yves, mais la bonté, lagénérosité. Et dans l’élan de cette charité, enracinée dans sa vocation baptismale pleinementvécue, engagée sans restriction comme réponse à l’appel de l’Evangile, nourrie de spiritualité franciscaine, le souffle, la puissance et l’ampleur des œuvres attestent l’œuvre même de Dieudans la suite aimante de Son Fils Jésus Christ et dans la disponibilité à l’action et aux appels de l’Esprit Saint. Yves a pris au sérieux et au mot l’Evangile du salut, et, se disposant au service de ses frères, a fait des pauvres son trésor, dans l’intelligence proprementévangélique de ce qui passe et de ce qui demeure, et ce trésor, il l’a vraiment aimé.
Et tout atteste alors comment, dans cette vie ordinaire, s’est déployée une bonté divinement extraordinaire. Dans cette existence qui a merveilleusement témoigné, avec cellede tant d’autres saints, de la sollicitude de la Providence pour le petit troupeau que noussommes, la grandeur des œuvres a confirmé, manifesté et diffusé l’œuvre même de Dieu,sur les pas de Jésus Christ dans notre monde, à la gloire du Père : dans l’ampleur de la générosité d’Yves, qui l’a matériellement dépouillé et physiquement consumé, dans lesguérisons et bienfaits extraordinaires obtenus, dans sa prudence et sa sagesse d’en-haut comme juge ecclésiastique. Car, dans sa vie miroir de la puissance de Dieu et de Son amour pour les hommes, complétant et particularisant sa grande charité, l’on retrouve la
participation à cette perfection divine qu’est la justice. La vertueuse, et surnaturellement éclairée, justice d’Yves fut une justice sans parti-pris, ni pour le puissant, ni pour le pauvre, mais une justice qui repousse ce qui lui est contraire. Une justice véritablement participée de Dieu : qui recherche et préserve l’équilibre selon l’ordre divin des choses non figé, maisauthentiquement animé et surplombé par la charité. Une justice servante du Royaume,étrangère à l’appétit de puissance, à une volonté humaine orgueilleuse et ne reconnaissantqu’elle-même, en un mot à la tyrannie de tout ce qui prépare le positivisme juridique et lui ressemble. Une justice lumineuse, affranchie des apories et des contradictions quel’intelligence humaine blessée par le péché, aveuglée par sa fréquente superbe et par naturediscursive, ne sait pas résoudre entre elle, la justice, et la charité là où elles s’accompagnent,se nourrissent, se retrouvent dans leur source et se rejoignent dans leur fin.
Ainsi la vie d’Yves est reflet et témoignage de la sainteté divine : du mystère del’Incarnation du Verbe en Jésus Christ et de Son œuvre salvifique, du dessein de la Sagessedivine où la toute-puissance de Dieu se manifeste dans le salut des pauvres, de l’éternité deDieu inscrite dans la charité du quotidien et de Sa simplicité reflétée dans le cœur droit deSa créature humaine, de Son amitié pour Ses disciples vivant dans le double commandementde l’amour. Et pour nous, quelle est la fenêtre du Ciel ouverte par saint Yves pour nous faire contempler et nous encourager à suivre notre propre appel à la sainteté ? Dans son amour de la pauvreté et des pauvres, il nous montre la condition et le chemin pour vivre leChrist et L’accueillir dans nos vies. Dans sa sollicitude pour sa Bretagne, la trace du Dieu fait chair dans notre existence et notre histoire. Dans sa bienveillance pour les marins, le soin vigilant de la Providence du Père. Dans son patronage pour les professions de justiceet du droit, l’attention au devoir bien accompli, au sens véritable de l’œuvre de Dieu par et pour les hommes, le goût et le culte de l’authentique Loi, celle de l’Esprit Lui-même. Pourque nos vies aussi servent le dessein d’amour et de salut pour tous les hommes, dans nosactions et nos témoignages, afin que tous reconnaissent sur nos visages sans ombres celui de Jésus-Christ.